Quand la force devient un rôle à tenir
Il y a cette image de la femme forte.
Celle qui tient bon, qui assure, qui gère tout.
Celle qui ne se laisse pas abattre, même quand la tempête gronde.
Pendant longtemps, j’ai cru que cette force était une qualité, un idéal à atteindre.
Je la voyais chez d’autres femmes, chez ma mère, et par mimétisme ou que sais-je, j’ai fait pareil. Ou du moins, sans m’en rendre compte, j’ai donné l’illusion d’être forte.
Je le faisais naturellement : un sourire, un mot rassurant, une posture solide.
Mais à l’intérieur, combien de fois je me suis sentie en ruines.
Impuissante. Débordée. Honteuse. Submergée par mes propres jugements.
Et cette force, que je croyais salvatrice, m’empêchait d’être pleinement moi.
Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de cette force.
Celle qu’on nous attribue, qu’on se donne, qu’on croit devoir maintenir… surtout quand on est en train de vivre une épreuve.
La force comme masque protecteur
Il y a des périodes où l’on traverse des bouleversements profonds.
La grossesse. Le post-partum. Une fausse couche. Un parcours PMA. Le deuil d’un bébé. La liste des possibles est longue rien qu’en périnatalité, alors imaginez sur la durée d’une vie.
Et dans ces moments-là, on croit souvent qu’il faut « tenir bon ».
Pourquoi ? Parce que les autres comptent sur nous.
Parce qu’on a entendu mille fois : « Tu es forte, tu vas y arriver. »
Parce que montrer sa vulnérabilité, c’est encore, pour beaucoup, un signe de faiblesse.
Alors on sourit quand on a envie de pleurer.
On rassure les autres alors qu’on est soi-même terrorisée.
On reprend le travail trop tôt, on continue à « faire comme si », on dit que ça va…
Et pourtant, à l’intérieur, ça tremble, ça gronde.
Cette force-là, ce n’est pas un mensonge.
C’est un mécanisme de survie, une manière de se protéger, de continuer à avancer.
Mais elle a un coût : elle nous isole.
Elle nous éloigne de nos besoins profonds.
Elle nous interdit de demander de l’aide.
Ce que j’ai compris, c’est que porter ce masque, à la longue, ça épuise.
Et surtout, ça empêche les autres – nos proches, et même nos thérapeutes – de nous rejoindre là où nous sommes vraiment.

Les émotions inconfortables derrière la force
Derrière cette façade de force, il y a un paquet de sentiments dont on n’a pas conscience, et qui participent au mal-être grandissant.
Dans mon expérience, j’ai rencontré l’impuissance. Cette sensation de ne rien pouvoir faire, de ne pas pouvoir changer les choses, malgré tous mes efforts. D’assister aux difficultés, comme spectatrice. Me sentant inutile et désemparée de ne pas pouvoir faire plus.
Il y a un autre sentiment particulièrement insidieux et dont je me passerais bien et vous aussi, c’est la honte :
– Honte de ne pas me sentir à la hauteur.
– Honte de ne pas être la mère, la compagne, la professionnelle que je voudrais être.
– Honte de me sentir incapable d’évoluer, alors que « ça fait des mois ».
Elle est insidieuse parce qu’elle vient entamer notre confiance en nous, elle vient écorcher l’image qu’on se fait de nous-même. Et nous fait croire que cette image est réelle et que tout le monde la perçoit et nous juge.
En parlant de jugement, et c’est la cerise sur le gâteau, comme si le gâteau n’était pas déjà indigeste, il y a l’auto-jugement : cette petite voix critique qui dit :
– Tu devrais t’en sortir »,
– D’autres y arrivent
– Tu exagères
– Tu es trop sensible.
Il est là, chevillé au corps, murmurant ses phrases rabaissantes à longueur de temps.
Ces sentiments sont profondément humains, mais ils sont très durs à vivre quand on croit qu’on doit rester forte. Parce qu’ils nous enfoncent, nous mettent des bâtons dans les roues.
Et souvent, on se retrouve seule avec ça. Parce que ce n’est pas facile d’en parler à ses proches.
Parce que même nos amis bien intentionnés nous renvoient à cette force qu’on voudrait lâcher.
C’est pour cela que l’espace thérapeutique est si précieux.
Parce qu’il offre un lieu où on peut déposer tout cela. Sans jugement. Sans conseil. Sans pression pour aller mieux.
Laisser tomber la force : un acte de courage
Laisser tomber ce rôle, ce masque, cette armure… ce n’est pas une faiblesse.
C’est un acte de courage immense.
Cela demande de l’honnêteté envers soi-même. De l’écoute. De la tendresse. Et quand on est forte, souvent la tendresse n’est pas la première chose que l’on accepte de se donner à soi-même. Y compris quand on sait parfaitement le faire avec les autres. Là encore, je parle d’expérience.
Laisser tomber la force c’est oser dire :
– Je n’y arrive plus.
– Je ne sais pas.
– Je suis fatiguée.
– J’ai besoin d’aide.
Et ça devient accessible lorsque nos mécanismes habituels de protection ne sont plus suffisants, ne sont plus efficaces.
Lorsque le corps dit STOP alors que la tête dit EN AVANT.
Lorsque le surmenage nous impose un arrêt maladie.
Et parfois, ça commence simplement par se taire.
Par venir en séance sans avoir les mots.
Par s’asseoir et respirer.
Par se laisser regarder.
Et dans cette vulnérabilité apparente, quelque chose d’essentiel peut émerger :
La connexion à soi.
La compréhension qu’on n’a pas à tout porter seule.
La possibilité de se reconstruire autrement, à son rythme.
Alors aujourd’hui, j’ai envie de vous poser cette question :
Et si vous n’aviez pas besoin d’être forte aujourd’hui ?
Et si vous pouviez juste… être ?
– Être celle qui pleure.
– Celle qui doute.
– Celle qui en a marre.
– Celle qui est fatiguée.
– Celle qui ne veut plus faire semblant.
Je vous invite, si vous en ressentez le besoin, à venir déposer tout cela.
Dans un espace qui ne juge pas.
Qui n’attend rien.
Qui accueille tout.
Un espace pour vous, entièrement.
Je suis là.