Thérapeute et pourtant mère en souffrance​

On pourrait croire que les accompagnants, thérapeutes, soignants, bref tous les gens à qui nous confions notre santé physique ou mentale, sont complètement sains d’esprit, totalement équilibrés, heureux dans les moindres recoins de leur vie. Ben oui, sinon comment pourraient-ils nous aider, nous conseiller, nous accompagner, hein?

 

Sauf que la réalité est loin du compte, et quitte à en décevoir un ou deux au passage, j’ai décidé de lever le voile pour vous l’annoncer officiellement: même votre psy a des soucis ! Oui monsieur, parfaitement madame. Et j’en parle en connaissance de cause, puisqu’à défaut d’être psy, je suis hypnothérapeute et aussi bien dans ma petite vie que celle de mes collègues, et j’en côtoie beaucoup, l’herbe n’est pas plus verte qu’ailleurs.

Parce que – attention scoop – avant d’être professionnels de l’accompagnement, il se pourrait bien, même si certains le nient encore, que nous soyons d’abord de simples êtres humains. Et oui, aussi parfaitement imparfaits que tout un chacun. Dingue, non ?

Fiction versus réalité

Prenons un exemple : moi, pour parler de ce que je connais. Telle qu’on peut m’imaginer en lisant ces mots, figurez-vous que je ne suis ni grande, ni blonde, ni irrésistible. Et oui je sais, quel choc. En lieu et place de cette icône imaginaire se trouve en fait une personne qui vogue sur sa galère régulièrement. Et notamment dans sa condition de mère, sujet ô combien délicat, s’il en est.

 

Je prône haut et fort depuis longtemps que la parentalité n’est pas synonyme de don de soi au point de s’oublier. Je pense sincèrement que l’égoïsme a du bon si on souhaite garder une bonne santé mentale quand on est parent. Je conseille très régulièrement de prendre du temps pour soi, d’apprendre à se faire passer avant les autres. J’utilise même une analogie pour ça : celle d’une consigne de sécurité dans un avion. La fameuse dont on se souvient de travers. Parce que non, il ne faut pas appliquer le masque à oxygène à notre enfant en premier. Sinon, lorsqu’on perdra connaissance avant d’avoir eu le temps de mettre le nôtre, qui aidera notre enfant ensuite ?! De la même façon dans notre quotidien, si nous, mères, donnons tout à nos enfants, sans écouter nos besoins et nos limites, comment pouvons-nous être encore disponibles pour eux lorsque nous sommes à bout de force ?

 

Un jour j’irai vivre en Théorie, parce qu’en Théorie tout se passe bien

En théorie, je pensais faire partie de ces mères qui prennent soin d’elles et sont loin d’être à bout de souffle. Je pensais que cela suffisait à me rendre plus patiente, plus à l’écoute et plus bienveillante pour mes enfants.

 

Sauf que voilà, je me mettais le doigt dans l’œil, jusqu’au coude. J’avais de belles œillères qui m’empêchaient de voir à quel point je me pliais en quatre pour répondre au moindre désir de ma progéniture, au point de mettre mon équilibre émotionnel en jeu. C’est d’ailleurs ce déséquilibre qui a fini par me pousser à ouvrir les yeux, tellement il était inconfortable. Il faut dire que sentir la colère monter en soi chaque jour, souvent pour une broutille, et ne plus se souvenir du dernier fou-rire, à force ça fout les jetons.

 

Alors pour comprendre d’où cela venait, j’ai eu besoin d’un regard extérieur. Pourquoi je n’ai pas réussi à trouver toute seule, alors que c’est mon métier d’aider les gens à prendre du recul ? Une sourde histoire de poutre et d’œil, si tu vois ce que je veux dire.

 

J’aurais pu écouter mon conjoint, qui percevait mes paradoxes avec justesse et tentait tant bien que mal de m’en parler. Mais malheureusement, par amour propre ou égo mal placé, l’avis des conjoints ne pèse jamais assez dans la balance pour se remettre en question profondément. Avec lui, je montais illico sur mes grands chevaux au lieu d’assumer ma part de responsabilité. Il paraît que notre partenaire ne peut pas être notre thérapeute. Je confirme ! L’autre sait, mais on refuse de l’écouter. Je suis sûre que tous les couples vivent ça pour au moins un sujet.

 

Donc, si j’ai pu mettre le doigt sur l’une de mes incohérences maternelles – prôner l’autonomie tout en répondant au moindre désir de mon enfant, et le vivre mal – c’est grâce à une personne extérieure, qui ne me connaissait pas, et avait suffisamment de recul pour percevoir ce qui se jouait. Bref, une thérapeute. Une de celles qui savent entendre les histoires qu’on se raconte et les contradictions qu’on refuse d’assumer. Une qui ne mâche pas ses mots et te mets face à toi même, sans complaisance et en même temps en toute bienveillance.

 

Inconfort passager et libération

Après de nombreuses années à me raconter des histoires sur ma vie de mère, j’ai donc pris conscience des mécanismes en jeu et de mes croyances et blessures qui en étaient à l’origine. Ce n’est pas un moment très agréable de mettre le doigt sur ses croyances limitantes et ses incohérences. Et pourtant, ça libère, presque immédiatement.

 

J’ai ainsi compris qu’en répondant à chaque demande, même infime, de mes enfants, je cherchais à être La Mère Parfaite. Pas celle que la société peut véhiculer, mais celle que JE m’étais forgée moi, avec mon vécu et ma construction. Et alors que je me flattais de ne pas répondre aux injonctions de la société, au final c’est à mes propres injonctions que je répondais. Celles qui étaient enfouies en moi, suffisamment loin pour que je n’en ai pas conscience. Et d’y répondre créait un duel intérieur entre la partie de moi qui DEVAIT y répondre, et l’autre partie qui voulait qu’on lui FICHE LA PAIX. De cette lutte naissait impatience, irritabilité et donc colère.

 

Comprendre et mettre des mots (et des larmes) sur tout ça a été libérateur. Même si je savais que mes émotions m’appartenaient, venaient de moi et non des demandes de mes enfants, tant que je ne les comprenais pas, je ne pouvais rien en faire. Et nous les subissions tous, ma famille et moi.

Dès lors que j’ai compris de quel combat interne il s’agissait, dès que j’ai accepté de le regarder en face, de l’assumer, d’en percevoir toute la beauté aussi, mes tensions se sont relâchées. Mon corps s’est détendu, et j’ai pu faire de nombreux liens avec d’autres situations. Aujourd’hui j’observe tout cela avec davantage de recul. Parfois les émotions s’animent à nouveau, mais comme je sais ce qu’elles racontent, je les accueille avec tendresse et elles s’apaisent rapidement.

 

Si ce texte fais écho en vous d’une façon ou d’une autre, n’attendez pas comme moi d’en arriver à un déséquilibre intense avant d’aller confier vos parfaites incohérences à quelqu’un qui saura vous aider à les percevoir.

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